Arts et spectacles
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Charles Trenet nous a quittés il y a maintenant vingt ans. À l'occasion de cet anniversaire Balzac éditeur publie La folle jeunesse de Charles Trenet relatant ses jeunes années entre Narbonne et Perpignan où il rencontrera le poète Albert Bausil qui deviendra son mentor et ami.
Charles Trenet était la fraîcheur même. À sa mort, le 19 février 2001, un titre comme, Y 'a d'la joie avait 64 ans ; Que reste-t-il de nos amours, 59 ans ; Le jardin extraordinaire, 44 ans et Fidèle fêtait son trentième anniversaire.
Ce sont des chansons d'aujourd'hui et de toujours. Il fallait sans doute être le fils d'une Narbonnaise et d'un Perpignanais, mélange détonant de sangs cathare et catalan, avec, d'un côté, la lucidité ironique d'un Pierre Reverdy et, de l'autre, l'imagination débridée d'un Salvador Dali, pour savoir capter dans l'air du temps toute l'alchimie qui donnerait son sens à une époque et poursuivrait de son parfum universel des générations entières.
Fou, il l'était surtout sur scène, épousant par sa gestuelle, à laquelle n'étaient certainement pas étrangères les élucubrations de la bande à Bausil au temps de sa folle jeunesse à Perpignan, ses textes délirants et sa musique trépidante. Des malheurs de son enfance narbonnaise, il tira une philosophie du bonheur selon laquelle il fallait cultiver ses « jeunes années » jusqu'à ce que mort s'ensuive. Dès lors qu'on « chante, la vie n'est pas méchante ». La vie de Charles Trenet (1913-2001), c'est le roman d'un éternel jeune homme.
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Des sources d'enchantement, il y en a partout dans l'univers qu'Alain Gerber nous invite à découvrir par-dessus son épaule. Pour la bonne raison qu'il y a partout, dans chacune de ses pages, à leurs détours et dans tous les tours qu'elles nous jouent, des mots qui chantent et des chants qui empruntent, l'air de rien, les mêmes chemins que les mots.
Après nombre d'essais et de récits, après tant de romans, « Longueur du temps » se présente comme une aventure où cet auteur ne s'était jamais risqué auparavant.
Alain Gerber ici se raconte. Ou plutôt tous ses souvenirs se disent dans l'instant de la lecture. Qu'ils soient ceux de l'enfance ou qu'ils se situent en d'autres temps et en d'autres lieux - au Mexique ou en Grèce, à Montréal ou à Ouagadougou - ils se disent tous, lorsqu'ils s'offrent à nous, dans une sorte de « présent absolu ». L'un après l'autre, ils s'expriment comme ils viennent, comme ils se ressentent, comme ils s'inventent, se disent et se redisent sans doute : tous sont là, tous vivent intensément. Parce que leur naissance, leur élan ont lieu comme au coeur de chaque mot, dans chacune des phrases de chacun de ces textes. Ces textes dont on ne sait pas trop (et leur auteur pas plus que nous, confie-t-il volontiers) s'il faut dire qu'ils sont « de la poésie » - comme si toute littérature digne de ce nom n'aspirait pas à ce destin quelque voie qu'elle emprunte un jour !
Alors oui, même si ces pages l'invitent à explorer des terres nouvelles, le lecteur ne sera pas dérouté s'il connaît l'oeuvre d'Alain Gerber. Celui qui aura la chance de la découvrir, pour sa part, comprendra vite ce qu'est la littérature pour cet auteur aussi rare que prolifique : une forme de musique, c'est certain.
Une forme de jazz peut-être bien.
Parallèlement à « Longueur du temps », Alain Gerber a publié en ce début de 2011 aux éditions Fayard, un roman baptisé "Je te verrai dans mes rêves". Il a récemment signé chez le même éditeur « Blues » (2009) et « Insensiblement Django » (2010), deux ouvrages que l'on peut qualifier de majeurs dans une oeuvre littéraire maintes fois récompensée par des prix prestigieux (Interallié, Goncourt de la nouvelle, Grand prix du Roman de la Ville de Paris pour l'ensemble de l'oeuvre dès 1984, etc.).
Alain Gerber fut aussi le producteur d'émissions de radio consacrées aux plus grands musiciens de jazz, sur les ondes de France Musique et de France Culture, où sa voix tout aussi singulière que son écriture et sa pensée n'a pas été pour rien dans le succès du mémorable « Le Jazz est un roman ». Rappelons enfin que ce titre est également celui d'un disque pareil à nul autre, qui marie ses textes aux improvisations de quelques-unes des figures de proue du jazz contemporain (label Owl records.)
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Pol-Serge Kakon est poète et peintre. Ses deux passions sont ici rassemblées dans cet ouvrage qui allie poésie et peinture, inspirées de ses origines méditerranéennes. Pol Serge Kakon exprime dans son oeuvre son amour de la beauté, dansant avec les mots, s'amusant avec les lettres et les couleurs, toujours avec esprit. Mouloudji, Romain Gary, Aragon, Atahualpa Yupanqui et tant d'autres se côtoient dans son univers ; ne dit-il pas d'eux, qu'ils lui ont ouvert les portes du monde, qu'ils ont fait du rêveur qu'il était, le voyageur et le conteur qu'il est devenu. Voilà pourquoi il a fait tant de fois le tour du monde, voilà pourquoi ses romans nous font voyager et qu'ils continuent longtemps après la lecture à nous faire rêver.
Tous les bleus de la mer qu'il nous offre aujourd'hui en est la quintessence. Au bleu, au gris, au pourpre, au rose, aux magnifiques couleurs de ses toiles, Pol-Serge a su associer ses mots de poètes, de conteur, de romancier. Voilà bien une invitation au rêve et au voyage...
Tous les bleus de la mer est un beau livre dont les textes en trois langues (français, espagnol, anglais) sont illustrés par les toiles de l'auteur. -
Rigaud, un peintre catalan à la cour du Roi-Soleil
Renada-Laura Portet
- Balzac
- Butxaca
- 15 Juillet 2021
- 9782373200461
Hyacinthe Rigaud, peintre favori de Louis XIV, artiste emblématique du Grand Siècle, est pourtant né catalan, sous le nom de Hyacintho Francisco Honorat Rigau-Ros i Serra, dans une famille de peintres-doreurs de Perpignan, l'année même de l'annexion du Roussillon par la France. Son ascension irrésistible, servie par un extraordinaire talent et un sens impressionnant de l'adaptation n'a pas été exempte de compromissions et de renoncements.
Renada Laura Portet nous propose une plongée dans les pensées et les doutes d'un jeune Catalan, formé en France dès ses jeunes années, qui n'hésita pas à changer de nom pour devenir l'expression ultime d'un projet hégémoniste, démiurgique, et d'une monarchie absolue. Ne lui fallut-il pas aller jusqu'à des sympathies jansénistes, et faire venir sa propre mère à Paris pour exorciser cette double trahison à son Dieu et à ses origines ? Accueillir et former son frère, subvenir aux besoins de sa soeur et de ses neveux ? Rigau ne devient Rigaud qu'à la ville, participant de tout son art à l'avènement du classicisme français, certes, mais s'avérant baroque, éperdument, entre les murs couverts de livres et de tableaux flamands de sa maison, dans les portraits sensibles de sa mère et dans son rapport complexe à la foi.
Renada Portet a d'abord écrit ce livre en catalan, sous un titre truculent, « Rigau et Rigaud, un peintre à la cour de la rose gratte-cul », cette dernière expression désignant la rose de l'églantier. Outre l'allusion coquine aux moeurs légères et à leur pesant de trafics d'influences à la cour de Versailles, le titre oppose deux dualités de valeur : Rigau contre Rigaud, le lys contre la rose de l'églantier. La langue riche de Renada Laura Portet, dont le nuancier semble inépuisable, affectionne le vocatif et les ruptures de ton. Elle trahit dans chacune des deux versions, dont elle est à la fois l'auteur et le traducteur, l'affleuremen t de l'autre langue, comme pour épouser, de l'intérieur, les tâtonnements identitaires de son sujet.